Avant tout : https://www.youtube.com/watch?v=_DgQu8jFPE4 (la vidéo est très laide, mais c'est le son qui compte)
Enjoy !Lundi 1er octobre 2007Les doux rayons d’un soleil timide de fin de saison, le subtil ronronnement du système de climatisation, les courbes voluptueuses d’une jeune collègue indécemment dévoilées par un pantalon taillant trop bas ; tout semblait parfait pour clore une saine journée de travail. Gyoarfahim regarda l’heure indiquée au bas de ses écrans et se connecta au serveur d’administration des heures de pointage. Un rapide calcul le fit sourire : compte tenu de ses prestations de la semaine, il pourrait quitter son poste bien avant la cinquième blessante. Savourant l’instant, il appliqua méthodiquement la politique du
clear desk en rangeant lentement ses dossiers et en verrouillant ses tiroirs. Il rangea ses effets personnels dans sa sobre serviette, enfila sa veste légère et s’apprêta à saluer ses collègues en violant outrageusement des yeux les lombaires nues de sa voisine de bureau. Son supérieur direct s’adressa alors à lui :
— Oh, tu partais ? Désolée, mais j’ai ici deux nouvelles affaires qui doivent absolument être émises aujourd’hui pour que
la grosse informatique puisse effectuer les calculs cette nuit. Ca ne te dérange pas de le faire ? Ca ne te prendra pas plus d’un quart d’heure.
Gyoarfahim sentit qu’il ne s’agissait pas réellement d’une question, et qu’en tant que nouvelle recrue, il ne pouvait refuser. Il acquiesça donc en tachant de masquer sa contrariété du mieux qu’il pouvait et se réinstalla contre son goût.
Ce supplément inopiné de travail requit en réalité plus d’une heure de traitement administratif. Maudissant son bourreau, Gyo mit finalement un terme à son calvaire et ferma sa session pour la deuxième fois ce soir-là, espérant que ce serait la bonne. Il rassembla à nouveau ses affaires et interrogea son chef d’équipe du regard. Celle-ci leva distraitement les yeux, l’assura qu’il pouvait partir puis continua à surfer sur la toile. Gyoarfahim ne prit pas la peine de la saluer et s’en alla sans dire un mot. Il prit l’ascenseur, passa devant l’accueil – même son hôtesse préférée était partie depuis longtemps – et sortit du bâtiment.
Comme chaque soir, les gaz d’échappement lui agressait les poumons et lui arrachait une grimace de dégout. Il ne s’habituait toujours pas à la pollution de la capitale. Les quatre bandes de circulation s’éclaircirent quand les feux s’alternèrent et le jeune employé traversa en fouillant une poche intérieure à la recherche de son baladeur. À mi-chemin, son attention fut retenue par un moteur sourd qui approchait de façon inquiétante. Gyoarfahim tourna la tête en direction du son menaçant et s’immobilisa. Une épaisse berline avait surgit d’une rue perpendiculaire à celle qu’il traversait et se dirigeait à tout allure vers lui. Son regard se vida et il abandonna sa fouille pour laisser pendre ses bras le long de son corps. Le danger était trop imminent pour qu’il réagisse, son esprit s’était résigné et avait abandonné son corps. Lorsqu’il ferma les yeux pour encaisser dignement le choc, les pneus du véhicule fou hurlèrent. Le chauffeur l’avait enfin aperçut et avait eu un réflexe fulgurant. Gyo sentit le pare-choc de la voiture lui effleurer la cuisse et il revint à lui en croisant le regard du conducteur. Celui-ci fit un signe de croix et reprit sa route en même temps que sa quasi victime chanceuse. Celle-ci trouva finalement son appareil et s’isola auditivement.
*Have a look into your eyes.*À cette heure, les transports en communs étaient bondés. Si bien que Gyoarfahim dû laisser passer trois métros pour enfin pouvoir se faufiler dans une rame. Arrivé à la gare, il du s’extraire de l’engin en jouant des coudes et augmenta le volume de sa musique en signe de protestation.
*You’ve gotta wait. Now it’s too late.* Malgré les hurlements hostiles qui résonnaient depuis ses écouteurs, sa thérapie sonore fut interrompue par un étranger qui l’interpellait en anglais. Gyo le désintégra du regard en répondant sèchement qu’il ne savait pas comment aller
at the airport et se demanda pourquoi cet importun ne s’était pas adressé à une personne plus avenante.
*All what's left for you is hanger and hatred*Le trajet en train ne fut pas plus agréable que le supplice du tube bruxellois. Coincé entre deux masses graisseuses qui couinaient et piaillaient en gesticulant sans cesse, Gyoarfahim laissa ses pensées dériver vers des visions ultraviolentes en accord avec les harmoniques d’un groupe d’électronique agressive germanique.
*You’re not a part of me!* Les dix dernières minutes furent un tel calvaire qu’il sentit ses traits se déformer par l’aigreur et manqua d’agresser verbalement le contrôleur qui, entre deux jacassements des engeances aberrantes qui le ceinturaient, avait heurté par mégarde sa cheville.
*Get off of my face, get off of my way*Quand il descendit enfin les deux marches qui le conduisirent hors de l’
IC à destination de Charleroi-Sud, comme l’articulait si bien le haut parleur de la gare de sa ville natale, Gyoarfahim désespéra en remarquant qu’un bouchon s’était formé à l’entrée du sous-terrain qui l’emmènerait vers son quartier. Une moitié de l’escalier était barrée.
PEINTURE FRAICHE, disait un écriteau bancal.
*Cuz' you're not a part of me*A croire que l’univers tout entier s’était concerté pour pourrir cette soirée qui aurait dû être parfaite.
Gyo avait sélectionné un titre qui lui plaisait beaucoup pour parcourir les derniers cent mètres qui le séparaient de chez lui.
*I feel betrayed with all your lies.* Pour l’heure, il haïssait le monde et chaque âme qui y vivait, mais il savait que son martyre serait bientôt terminé. Il allait rentrer chez lui, préparer son plat préféré et le savourer en visionnant quelques épisodes d’une série télévisée qui avait bercé son adolescence. De plus, une maigre consolation s’offrit soudainement à lui : une pluie naissante atténua les contours de son environnement, comme il l’aimait.
*Sometimes I feel I could blow off my head!* Son lecteur MP3 hurlait toujours avec hargne, mais le jeune homme irrité s’adoucissait peu à peu à l’idée de pouvoir rattraper une partie du plaisir qu’il s’était promis quelques heures plus tôt. Perdu dans ses rêveries et assourdi par la musique, il ne pris pas la peine de jeter un œil à gauche puis à droite avant de traverser juste en face de sa porte.
*SOMETIMES I FEEL I COULD BLOW OFF MY HEAD!* L’employé des
Transports En Commun ne pût stopper la masse jaune et rouge qu’il conduisait, malgré son habile coup de volant. Gyoarfahim fut percuté de plein fouet et projeté dans les airs. Il se réceptionna sur le toit d’une voiture sportive à plafond bas et glissa le long de son pare-brise pour finalement heurter le sol
*BAËNG BAËNG BAËNG! YOU’RE NOT A PART OF ME!*, sans vie. Une pluie de fin de saison qui s’intensifiait fut son ultime souvenir.
*GET OUT OF MY FACE, GET OUT OF MY WAY!*
Voilà, tout ça à partir de ma petite vie et d'un titre d'Agonoize.